MÉMOIRE D'OUTRE-TOMBE
L'histoire de Jeanne Durand
Bonjour, je m’appelle Jeanne Durand et j’ai vu le jour le 23 novembre 1902 dans le quartier Saint-Roch, à Québec. J’ai vécu à travers plusieurs événements historiques marquants, mais j’aimerais vous en raconter deux plus en détails.
Tout d’abord, parlons de ma famille. Ma mère était une femme au foyer et mon père possédait sa propre boulangerie. J’avais trois sœurs et un frère, tous plus vieux que moi. J’étais le bébé de la famille!
Au printemps 1918, lorsque j’avais 16 ans, une grippe mortelle frappe le monde entier. Elle éclate dans notre ville au début octobre. La deuxième vague de la grippe espagnole, qui a été la plus forte, commence lorsque la Première Guerre mondiale se termine. À ce moment, tous les commerces, les écoles et même les églises ont fermé. Nous n’étions pas sortis du bois avec cette maladie, même si nous étions soulagés de la fin de la guerre.
Les clochers ont cessé de sonner puisqu’il y avait trop de morts, mais principalement pour ne pas décourager les citoyens. Nous qui habitions en basse-ville, étions beaucoup plus touchés que ceux qui habitaient en haute-ville, étant donné que nous étions plus pauvres. Nous n'avions pas la même hygiène ainsi les mêmes moyens pour se soigner et nos appartements étaient plutôt insalubres. En effet, 80% des décès de la grippe sont des personnes qui habitaient en basse-ville (Gagné, 2018, paragr. 15).
Photo : Archives de la Ville de Québec
Quartier St-Roch dans les années 1920
Ma mère s’était portée volontaire pour aider dans les hôpitaux et moi je devais aller porter du pain et des pâtisseries que mon père concoctait sur le perron des voisins avec deux de mes sœurs et mon frère. Ma sœur la plus vielle, qui avait alors 20 ans et qui étudiait en médecine à l’Université Laval, a également beaucoup aidé dans les hôpitaux (Lemoine, 1985, p. 39).
Une de mes cousines est décédée de la grippe. Lorsque je suis allée la voir à l’hôpital, qui était en fait mon école transformée en hôpital, j’étais traumatisée. Son corps était bleu et elle saignait du nez et des oreilles (Gagné, 2018, paragr. 3). Ce n’était pas beau à voir.
Photo : Centre d'archives de la région de Thetford
Un collège transformé en hôpital d'urgence
Puis, après toutes ces semaines d’enfer, il y a eu une énorme baisse de cas lorsque novembre arriva. Une troisième et dernière vague surgit à la fin de l’hiver, mais rien de majeur, comparé à l’automne (Gagné, 2018, paragr. 26). C’était enfin la fin de ces mois péniblement tristes et horribles. Cette maladie, que nous croyions être une simple grippe, a fait plus de 50 millions de morts dans le monde (Gagné, 2018, paragr. 27).
Photo : Canada-Québec : Synthèse historique : 1534-2015
Le monde d’après-pandémie a été appelé les « années folles » et avec raison, puisque ces années ont été une période de gaieté et d’exaltation. La première guerre mondiale et la grippe espagnole étant terminées, tous veulent fêter. Tout le monde consomme davantage. Je n’avais jamais vu mes parents comme ça! Je ne m’étendrai pas sur ce sujet, mais j’ai vraiment apprécié ces années de ma vie, jusqu’à ce que 1929 arriva.
J’avais 27 ans à ce moment et j’avais commencé à investir un peu d’argent à la bourse, environ 200$. Le jeudi 24 octobre 1929 la bourse a drastiquement chuté et a causé un « krach » boursier. Cette chute a déclenché la crise économique et a engendré de nombreux impacts économiques, sociaux et politique à travers le monde entier (Le krach boursier et la Grande Dépression, s.d., paragr. 1). Je vous explique comment le krach boursier de 1929 est arrivé.
Photo : Journal la Patrie du 29 octobre 1929
"Gigantesque krach à la bourse de New York"
Pendant les années folles, la plupart des gens ont plus d’argent, mais désirent également en faire plus. Ils achètent donc des actions et c’est pourquoi la demande d’achats d’actions augmente très vite. L’offre reste par contre la même et cela crée une hausse de la valeur des actions (Le krach boursier et la Grande Dépression, s.d., paragr. 3). Le problème c’est que les compagnies ne font pas autant d’argent que ce que les acheteurs d’actions croyaient, alors ceux-ci les vendent tous en même temps et c’est pourquoi leur valeur à la bourse diminue tragiquement (Le krach boursier et la Grande Dépression, s.d., paragr. 4). Évidemment, je voulais vendre mes actions aussi, mais j’avais le même problème que tout le monde : personne ne voulait les acheter.
Les entreprises font faillites parce que leurs actions perdent 80% de leur valeur (Quand le jeudi noir de Wall Street mettait le monde à la rue, 2020, paragr. 6). Mon père n’a pas réussi à faire survivre sa boulangerie. Les temps étaient durs. J’étais devenue infirmière comme mes 2 autres sœurs. La plus vieille était médecin, donc nous pouvions les aider financièrement. Mon frère travaillait dans une usine, mais elle a fermé.
Photo : Getty images/Fox Photos
Rassemblement devant la bourse de New York pendant le Krach